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25 juin 2020

Le secret du vieux château, seconde partie et fin.

Seconde partie.

 

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L’amiral de Joinville.

C'était en fait un ancien dragueur de mines de la Royal Navy qui avait servi au cours de la deuxième Guerre Mondiale, dont le relief des lettres de l'ancien nom (Lord Strickland) restaient visibles sous la peinture blanche de la coque. Il avait été vaguement recyclé en paquebot côtier. Il comportait sur le pont inférieur quelques compartiments aménagés avec des bancs en bois desservis par deux coursives extérieures latérales, et sur le pont supérieur, un "salon" pompeusement qualifié de première classe ...

Le bateau pouvait embarquer quelques centaines de passagers. Le fret pour l'approvisionnement de l'Ile, et jusqu'à six voitures étaient grutées à bord, à l'arrière du bateau, par un mât de charge manœuvré à bras d'hommes. Il arriva même que l’on y chargea du bétail.

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La manœuvre était plutôt spectaculaire et intervenait toujours en début puis en fin de chargement car il fallait d'abord décharger les voitures qui regagnaient le continent, décharger la cale, puis à nouveau recharger la cale avec le ravitaillement de l'Ile, et enfin les voitures. Tout cela ne devait pas prendre plus d'une heure car le bateau ne pouvait passer qu'à marée haute. Le trajet durait près d'une heure trente. Aller retour cela faisait trois heures, plus l'heure de chargement, la plage horaire de navigation ne devait pas excéder quatre heures sinon il n'y avait plus assez de tirant d'eau pour aborder au retour.

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L'embarquement sur l'Amiral, la pagaille organisée !

Je ne sais si ce jour là, le sabre à la quête duquel nous nous étions lancés, opposait déjà, par quelque onde négative, une résistance à nos recherches. Le bateau n'avait pas dû respecter les horaires à la minute près, et déjà la marée vidait le port de Port Joinville. In extremis, les matelots avaient réussis à amarrer la proue au quai, mais toutes les tentatives pour y ramener la poupe étaient vaines. Il n'y avait décidément plus assez d'eau dans le port, et la vieille coque de " L'Amiral de Joinville" était là, lamentable, en travers du port, échoué sur sa quille, raccordé au quai par cette unique amarre de proue. Impossible de débarquer normalement par la porte, qui était au moins à dix mètres du quai. Encore plus impossible de décharger les voitures et le ravitaillement qui de fait, placés à l'arrière du navire étaient éloignés du quai d'une bonne quinzaine de mètres. Alors qu'à Saint Nazaire, on venait de lancer le plus grand et le plus luxueux paquebot du monde, notre misérable "paquebot côtier" gisait sur le fond du port, que la marée, irrémédiablement, continuait de vider. Nous n'allions tout de même passer la nuit ici tels des naufragés.

Finalement les matelots installèrent une passerelle à l'avant du rafiot et un débarquement quelque peu acrobatique commença. Les passagers empruntèrent un à un ce passage de fortune pour rejoindre la terre ferme. Au bout d'une bonne heure et demi, après cet accostage raté, la troupe des Éclaireurs de France, venue se lancer dans une improbable recherche archéologique, était enfin rassemblée au grand complet sur le quai, sacs au dos. Même si nous avions appris à l'école, que durant les guerres de Vendée, le Général Charette de la Contrie avait été fusillé par les troupes républicaines sur la Place Viarme, à Nantes après un bref et meurtrier combat, ce "Monsieur Henri" restait encore une énigme. L'exploration du Vieux Château avait été prévue pour le lendemain soir. En attendant, nous devions installer un bivouac quelque part. Ce coup ci, nous avions emmené les tentes. Chacun d'entre nous portait sur son sac, qui la tente, qui la mature, qui le double toit, qui le tapis de sol.

Une fois rendus au centre de l'Ile, tout près de Saint Sauveur, les tentes furent installées dans un pré où j'imagine que nous avions eu l'autorisation de poser notre camp. Avec la carte de l'Ile il s'agissait maintenant de nous orienter pour savoir dans quelle direction nous devrions approcher le Vieux Château le lendemain soir. Tant qu'à faire, puisque nous avions la journée devant nous, une visite de l'Ile s'imposait.

Dès lendemain, nous démontions notre fugace campement, direction le Port de la Meule avec tout notre barda. Nous avions le temps. Nous n'irions creuser dans les entrailles du Vieux Château que le soir venu.. Nous sommes même allés au sommet du grand Phare à la Petite Foule d'où on voyait toute l'ile, des Amporelles à la pointe des corbeaux, de Port Joinville à la Pierre Branlante, Du Fort de la Pierre Levée à Saint Sauveur. Quelque part, sur la côte sauvage, face à l'infini de l'Atlantique un Vieux Château se cachait, recelant cette épée de "Monsieur Henri".

***

Pour notre seconde nuit, nous avions dressé nos tentes dans la lande, à proximité de l'anse où se cachait le Vieux Château. Le soleil disparaissait doucement, enfonçant ses couleurs pourpres à l'horizon, dans l'immensité de l'Océan. Nous débarrassions les reliefs de nos repas pour laisser la place propre avant d'entamer l'exploration de la vieille forteresse, à la recherche de la précieuse relique.

chateau

Le vieux château détachait sa silhouette sombre et lugubre au fond de sa petite crique.

Le Vieux Château détachait sa silhouette sombre et lugubre au fond de sa petite crique dans le crépuscule. La nuit tombait. Nous traversions la petite passerelle de l'ancien pont levis. Ça y est, nous avions pris possession de ces lieux où les rochers battus par les vagues se confondaient dans la nuit tombante avec les vieilles pierres du Château. Éclairés par nos lampes torches, nous explorions une à une l'intérieur des trois tours. Trois tours, trois équipes. Une par tour. Le sol en terre battue des tours était plutôt facile à creuser. Pendant deux bonnes heures, il faut bien le dire, nous avons creusé avec nos pelles pioches, retourné dans tous sens, dans tous les coins, le sol de la vieille forteresse, puis d'un coup quelqu'un cria du fond d'une des tours: "Ça y est, j'ai trouvé! Regardez! "

rochejacquelin

Jean Claude, qui pourtant n'était pas le plus enthousiaste de l'équipe, Jean Claude qui avait eu le mal de mer, Jean Claude qui n'aimait pas marcher, Jean Claude qui avait seulement envie de rigoler, de chahuter et de s'amuser et qui ne prenait pas du tout cette histoire au sérieux!!! Jean Claude brandissait dans la lumière de nos lampes torches une lame de fer rouillée d'environ un mètre de long, qu'il tenait par une soie que jadis une poignée de nacre ou d'ivoire avait dû orner. Nous y étions arrivés, nous avions trouvé le Sabre de Monsieur Henri, de Monsieur Henri de la Rochejaquelein, Généralissime des armées catholiques et royalistes de Vendée, qui mourut au combat à Nuaillé près de Cholet en 1794. Marsouin qui avait assisté à toutes nos recherches conclu immédiatement que nous ramènerions notre trophée à Nantes.

Je me suis toujours demandé ce que les visiteurs découvriraient le lendemain dans la forteresse. Des salles au sol défoncés!!! Avions nous fait de la recherche archéologique, ou nous étions nous comportés en vandales ... Il n'y eu pas d'article de presse, pas de gendarmes. Nous étions heureux d'avoir trouvé ce sabre !!!

Une brève nuit dans notre campement et au petit matin, nous faisions place nette, remballant nos tentes et nos sacs, et confiant à Marsouin le sabre historique.

A Port Joinville, Le port était plein de ces thoniers caractéristiques de l'ile. C'étaient des bateaux d'une vingtaine de mètres de long équipés de deux mâts. A l'avant, le mât de misaine était équipé de deux longues gaules que les marins, lors de la pêche descendaient de chaque coté du navire pour traîner des lignes porteuses d'hameçons auxquels le thon se laissait prendre. Port Joinville était alors avec l'Ile de Groix un des plus grand port thonier de la côte atlantique et les usines de conserves tournaient alors à plein rendement.

1961 Yeu09

La forêt des mats de thoniers

Au milieu de cette forêt de mâts, nous retrouvions notre vieux bateau qui avait enfin pu accoster normalement au quai près du vénérable "Insula Oya" (le premier du nom) qui assurait le service estival sur Saint Gilles-Croix de Vie. Vu près de "l'Amiral de Joinville", l'"Insula Oya" paraissait plus petit, mais autrement plus élégant. Il ressemblait un peu au Sirius de Tintin dans "Le Trésor de Rackham Le Rouge", ses hublots oblongs, sa passerelle aux larges ouvertures doublée d'une passerelle extérieure, et sa fine étrave lui donnait presque une allure de yacht princier. Mais c'est bien à bord de "l'Amiral de Joinville" que nous embarquions.

insula

L’insula Oya

A Fromentine, après une traversée bien calme, deux autocars nous attendaient et nous ramenaient à "La Pétaudière".

Notre séjour chez Marsouin touchait à sa fin. Nous allions revenir à Nantes. Dans nos bagages, le Sabre de La Rochejacquelein. A notre arrivée à Nantes, nos parents nous attendaient, devant le local de la rue de l'industrie. A peine descendus du car, nous racontions, passionnés, notre aventure, et Marsouin, qui nous quittait alors que retrouvions nos familles, montrait à qui voulait bien le voir le trophée extrait dans son secret du Vieux Château.

J'avais treize ans. L'année suivante, je ne reprendrais pas mes activités de scoutisme. Trop grand pour les "Éclaireurs", il fallait passer aux "Routiers". Et puis, je devais me préparer à passer mon Certificat d’études et à passer des concours pour rentrer dans une école technique ou aller en apprentissage. Rien n'était encore décidé. Je n'ai jamais revu Marsouin, et seul Jean Claude est resté mon fidèle ami. Il deviendrait plus tard le parrain de ma fille.

Je n'ai jamais su ce qu'était devenu le Sabre de La Rochejaquelein, et plus de vingt ans s'étaient écoulés. Dans le soleil éclatant de ce mois de juin du début des années quatre vingt, un ouvrier se retrouvait tétanisé en même temps que moi, un cours instant dans la même position que celle de Monsieur Henri, immortalisée par le peintre Pierre Narcisse Guérin, alors qu'il s'apprêtait à jeter un bout de lame de fer rouillé à la benne. C'était le fameux Sabre qui reprenait pour un ultime et court instant sa vie glorieuse dans les mains de cet ouvrier. Durant plus de vingt ans il était demeuré là oublié, délogé de sa cachette ilienne, et ramené à Nantes tout près du lieu des faits d'armes et du supplice François Anasthase Charette de la Contrie, compagnon de Monsieur Henri de La Rochejaquelein.

Un petit nuage passa devant le soleil, sa lumière baissa faiblement. L'ouvrier et moi retrouvions notre réalité. Le Sabre tomba dans la benne. L'ouvrier continua son tri et moi, je m'en allais rejoindre les collègues à la Jeune Travailleuse pour déjeuner.

A mon retour au bureau, la benne à ferraille était partie, sans doute vers un centre de recyclage. Dans quelle voiture, bateau, outil, couvert ou je ne sais encore quelle arme, le sabre allait il être recyclé. Nul ne le saura jamais. Mais moi j'aimerais bien qu'il soit aujourd'hui dans la coque du "Pont d'Yeu" ou du "Chatelet". Fendre la mer à toute vitesse entre le continent et l'Ile par tous les temps, bravant les éléments des tempêtes d'hiver ou conduisant confortablement les vacanciers vers ce bout de terre lointain du Ponant. Quel plus beau destin pour ce Sabre que de retrouver vie dans ces deux superbes héritiers du bien inconfortable "Amiral de Joinville".

***

Il n'est pas bien sûr que "Monsieur Henri" soit allé un jour à l'Ile d'Yeu. ll a plutôt évolué dans Les Mauges de la Vendée Militaire, entre Mauléon, Saumur et Cholet, bataillant pour Dieu et son Roi contre une République encore incertaine. Peut être, un compagnon d'armes aura-t-il ramassé et emmené avec lui le glorieux Sabre au soir de la bataille de Nuaillé, dans une retraite à l'Ile d'Yeu en souvenir de son chef... Mais comment ne pas souligner que cette aventure est arrivée à une troupe d’Éclaireurs de France de onze à treize ans, en mil neuf cent soixante. Une troupe de scouts laïques où les valeurs de tolérance de toutes les religions et de toutes les philosophies étaient enseignées. Nous étions en Vendée, dans cette région fortement marquée par les combats de la Révolution de la fin du XVIIIème siècle.

Qu'importe si cette expédition entre Saint Jean de Monts, Noirmoutier et l'Ile D'Yeu ait été fondée sur des faits véridiques, ou si plutôt ce fut une magnifique supercherie imaginée par Marsouin. Elle m'a procuré l'un de mes meilleurs souvenirs de scoutisme. Elle me restera dans la mémoire jusqu'à la fin de mes jours, comme elle est restée dans le souvenir de Jean Claude, qui a gagné son éternité le vingt Avril deux mille treize, et à qui je dédie cette nouvelle.

Alain Dubreuil

 

 

 alainJeanClaude

 

 

 

 

 

 

Alain et Jean Claud, 1960.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
P
Oui, c'est une photo de mes archives familiales.
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N
Bonjour Philippe, savez-vous d'où vient la photo du port avec tous les thoniers? Cordialement, Nathalie
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